n° 4
Publié le 25 Mai 2010
Il pleut. Quelques feuilles collent à ses semelles. Automne humide. On lui demande quand même de jouer dehors. Elle bat le pavé, cailloux en main. Ricochets sur les boites à lettres alignées comme autant de bouches muettes. Parfois, un gravillon réussit son essai. Encouragée, elle redouble d’efforts. Ça sent la terre mouillée. Quelques plocs s’égouttent au plafond. Lassitude. Elle se rapproche. Le facteur est passé. Elle parcourt les ouvertures, repère une lettre parmi le vomissement de prospectus. L’enveloppe est gonflée. Ses doigts forcent le passage et s’en saisissent. Elle se sauve et s’installe sous un arbre. Sa prise fait plus de quatre pages. L’encre est noire, l’écriture masculine. Avide, elle lit, contemple les mots, avale la pensée de l’homme. Serments d’amour, promesses de caresses, et souffrances dues à l’absence. Un frisson la parcourt. Un désir la prend. D’un geste, elle la déchire et cavale jusqu’au sixième. Dans la chambre, elle reconstituera patiemment les morceaux à coup de papier collant, copiera d’une main malhabile « Arrivée en l’état » puis dévalera de nouveau les marches quatre à quatre afin de réparer son crime.