tache d'encre
Publié le 8 Avril 2011
J’aurais bien aimé écrire là-dessus. Oui, si je le pouvais, j’aurais raconté. J’aurais dit l’arrivée à 21 ans, le ventre comme une moitié d’orange, sanglé par la ceinture de sécurité d’un siège d’Air-Afrique. J’aurais dessiné avec quelques mots choisis le sourire radieux de la femme lumière. Peau de noir vêtue, elle m’avait susurré : « Vous n’allez pas nous le faire dans l’avion ? vous attendrez bien un peu ? Vous serez gentille avec nous, n’est-ce pas ?».
Dans mon ventre un bébé de sept mois qui avait pour destin de naître là-bas dans une toute petite clinique à dix lits. Dans la soute, une poussette-canne blanche, rouge et bleue. Elle deviendrait mon drapeau tricolore, ma carte d’identité, mon laissez-passer quand seule avec l’enfant-née, j’arpenterais les rues, un petit peu effrayée par ce que je découvrais, moi qui n’avais jamais quitté mon île.
Je tairai le fils né là-bas aussi et puis encore la toute dernière, petite et mal bricolée et qui serait sur cette terre plus aimée que nulle part ailleurs.
Non, je ne raconterai pas. Je laisse ça à d’autres qui ont comme moi le cœur gros et le stylo plus facile en ces temps où la haine commande toute chose.